72

 

Oui, il y a seize métaux. Il me semble extrêmement improbable que le Seigneur Maître n’ait pas connu leur existence à tous. En effet, le fait qu’il ait mentionné plusieurs d’entre eux sur les plaques des grottes d’entreposage signifiait qu’il connaissait au moins l’existence de ceux-là.

Je dois partir du principe qu’il y avait une raison s’il n’en a pas informé plus tôt l’humanité. Peut-être en taisait-il l’existence pour conserver un avantage secret, de la même manière qu’il conservait l’unique pépite du corps de Sauvegarde qui avait transformé les hommes en Fils-des-brumes.

À moins qu’il n’ait simplement décidé que l’humanité possédait assez de pouvoirs avec les dix métaux qu’elle comprenait déjà. Il y a des choses que nous ne saurons jamais. Une partie de moi juge toujours ses actes regrettables. Lors des mille ans de règne du Seigneur Maître, combien de gens sont nés, ont basculé, vécu et sont morts sans avoir jamais su qu’ils étaient Brumants, simplement parce que leurs métaux étaient inconnus ?

Bien entendu, nous en avons tiré un léger avantage, en fin de compte. Ravage avait beaucoup de mal à fournir le duralumin à ses Inquisiteurs, puisqu’il leur aurait fallu un allomancien capable de le brûler. Et comme aucun des Brumants du duralumin au monde ne connaissait son pouvoir, ils ne le brûlaient pas, ce qui les aurait dévoilés à Ravage. Ce qui privait la plupart des Inquisiteurs du pouvoir du duralumin, à l’exception de quelques cas notables – comme Marsh – qui le tenaient d’un Fils-des-brumes. C’était généralement considéré comme un gâchis car, si l’on tuait un Fils-des-brumes à l’aide de l’hémalurgie, l’on ne pouvait soutirer que l’un de ses seize pouvoirs en perdant tous les autres. Ravage préférait nettement tenter de les corrompre et gagner ainsi accès à tous leurs pouvoirs.

 

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Il se mit à pleuvoir juste avant que Vin atteigne Luthadel. Une bruine silencieuse et froide qui humidifia la nuit sans chasser les brumes pour autant.

Elle attisa son bronze. Au loin, elle percevait des allomanciens. Des Fils-des-brumes. Qui la pourchassaient. Il y en avait une bonne dizaine qui se dirigeaient vers l’emplacement où elle se trouvait.

Elle atterrit sur le rempart de la ville, ses pieds nus dérapant légèrement sur les pierres. Devant elle s’étendait Luthadel, qui se déployait toujours aussi fièrement. Fondée mille ans plus tôt par le Seigneur Maître, elle était construite au-dessus du Puits de l’Ascension lui-même. Lors de ses dix siècles de règne, Luthadel avait connu l’essor pour devenir l’endroit le plus important – et le plus peuplé – de tout l’empire.

Et Luthadel était mourante.

Vin se redressa bien droite et contempla la vaste cité. Des flammes se déployaient là où des bâtiments avaient pris feu. Les flammes défiaient la pluie, éclairaient les divers ghettos et autres quartiers comme des feux de bivouac dans la nuit. À leur lumière, on voyait que la ville était en ruines. Des quartiers entiers avaient été dévastés, les bâtiments brûlés ou brisés. Les rues étaient étrangement vides – personne ne combattait les incendies, personne n’était tapi dans les caniveaux.

La capitale, qui abritait autrefois des centaines de milliers d’habitants, paraissait vide. Le vent soufflait dans les cheveux de Vin, humides de pluie, et un frisson la parcourut. Les brumes, comme toujours, l’évitaient, repoussées par son allomancie. Elle était seule dans la plus grande ville du monde.

Non. Pas seule. Elle les sentait qui approchaient – les sous-fifres de Ravage. Elle les avait conduits ici en leur laissant croire qu’elle les guidait vers l’atium. Ils seraient bien plus nombreux qu’elle ne pourrait en combattre. Elle était condamnée.

C’était justement l’idée.

Elle s’élança au bas du mur, filant à travers la brume, les cendres et la pluie. Elle portait sa cape de brume, davantage par nostalgie que par utilité réelle. C’était celle qu’elle avait toujours possédée – celle que Kelsier lui avait donnée lors de leur toute première nuit d’entraînement.

Elle atterrit dans une gerbe d’éclaboussures au sommet d’un bâtiment puis bondit de nouveau pour survoler la ville. Elle ne savait pas trop si la présence de la pluie cette nuit-là lui semblait poétique ou menaçante. Elle avait visité Kredik Shaw par une autre nuit pluvieuse. Une partie d’elle estimait toujours qu’elle aurait dû mourir cette nuit-là.

Elle atterrit dans la rue puis se redressa tandis que sa cape dépourvue de glands retombait autour d’elle, masquant sa poitrine et ses bras. Immobile et silencieuse, elle leva les yeux vers Kredik Shaw, la Colline aux Mille Flèches. Le palais du Seigneur Maître, emplacement du Puits de l’Ascension.

Le bâtiment était un assemblage de plusieurs ailes basses coiffées de dizaines de tours, de flèches et de pointes. La présence de la brume et de la cendre ne rendait que plus perturbante l’affreuse quasi-symétrie de cet amalgame. Le bâtiment était abandonné depuis la mort du Seigneur Maître. Les portes étaient brisées et elle voyait des vitres cassées dans les murs. Kredik Shaw était aussi mort que la ville qu’il dominait autrefois.

Une silhouette s’approcha de Vin.

— Ici ? demanda Ravage. C’est ici que vous me conduisez ? Nous avons déjà fouillé cet endroit.

Vin garda le silence, levant toujours le regard vers les flèches. Des doigts de métal noir tendus vers un ciel plus noir encore.

— Mes Inquisiteurs arrivent, murmura Ravage.

— Vous n’auriez pas dû vous dévoiler, répondit Vin sans le regarder. Vous auriez dû attendre que je récupère l’atium. Je ne le ferai plus à présent.

— Ah, mais je ne crois plus que vous le possédiez, répondit Ravage de sa voix paternelle. Mon enfant… mon enfant. Je vous ai crue au départ – effectivement, j’ai rassemblé mes pouvoirs, prêt à vous affronter. Mais lorsque vous êtes venue ici, j’ai compris que vous m’aviez induit en erreur.

— Vous n’en avez aucune certitude, dit Vin d’une voix douce que soulignait la pluie tranquille.

Silence.

— Non, répondit enfin Ravage.

— Dans ce cas, murmura-t-elle, vous allez devoir essayer de me faire parler.

— Essayer ? Vous rendez-vous compte des forces que je peux rassembler contre vous, mon enfant ? Vous rendez-vous compte du pouvoir que je possède, de la destruction que je représente ? Je suis la montagne qui broie. La vague qui déferle. L’orage qui fracasse. Je suis la fin.

Vin continua à regarder fixement tomber la pluie. Elle ne doutait pas de son plan – ce n’était pas vraiment dans ses habitudes. Elle avait décidé de ce qu’elle devait faire. Il était temps de déclencher le piège de Ravage.

Elle était lasse de se faire manipuler.

— Vous ne l’aurez jamais, dit-elle. Pas tant que je serai en vie.

Ravage hurla, un cri de colère primitive, celui d’une entité qui devait détruire. Puis il disparut. La foudre tomba, dégageant une lumière qui traversait la brume telle une vague de puissance. Elle éclaira de noires silhouettes vêtues de robes sous la pluie, qui marchaient dans sa direction. Qui l’entouraient.

Vin se retourna vers un bâtiment en ruines non loin de là, et vit une silhouette au sommet des décombres. Désormais éclairée par la seule lumière des étoiles, la silhouette avait le torse nu : la cage thoracique se détachait nettement, ainsi que les muscles fermes. La pluie coulait sur sa peau et tombait goutte à goutte des tiges saillant de sa poitrine. Une au milieu de chaque côte. Ses yeux étaient transpercés de tiges – dont l’une s’était enfoncée dans son crâne, défonçant ainsi l’orbite.

Les Inquisiteurs ordinaires possédaient neuf tiges. Celui qu’elle avait tué avec Elend en avait dix. Marsh semblait dépasser les vingt. Il se mit à gronder doucement.

Et le combat commença.

Vin rejeta en arrière sa cape dont les glands projetèrent une gerbe de gouttelettes, et s’élança d’une Poussée. Treize Inquisiteurs fendirent le ciel nocturne dans sa direction. Vin esquiva une volée de coups de hache, puis dirigea une Poussée vers les deux Inquisiteurs, brûlant son duralumin. Les créatures se retrouvèrent repoussées en arrière par leurs tiges et Vin accéléra en un brusque mouvement latéral.

Elle atteignit un autre Inquisiteur, les pieds contre sa poitrine. Une gerbe de gouttes d’eau mêlées de cendre s’éleva tandis que Vin baissait la main pour saisir l’une des tiges dans les yeux de l’Inquisiteur. Puis elle s’attira en arrière à l’aide d’une Poussée et attisa son potin.

Lorsqu’elle s’écarta brusquement, la tige se libéra. L’Inquisiteur hurla, mais ne tomba pas raide mort. Il la regarda, un trou béant d’un côté de la tête, et siffla. Manifestement, supprimer l’une des tiges de leurs yeux ne suffisait pas à les tuer.

Le rire de Ravage résonna dans la tête de Vin.

L’Inquisiteur privé de sa tige tendit la main vers Vin, qui se projeta dans le ciel à l’aide d’une Poussée et atterrit sur l’une des flèches métalliques de Kredik Shaw. Elle vida le contenu d’un flacon de métal tout en volant pour reconstituer sa réserve d’acier.

Une dizaine de silhouettes en robe noire s’élancèrent à travers la pluie pour la suivre. Marsh resta en bas, à les regarder.

Vin serra les dents, puis sortit deux poignards et se projeta de nouveau vers le bas – droit vers les Inquisiteurs. Elle passa au milieu d’eux, ce qui en surprit plusieurs, qui s’étaient sans doute attendus à la voir s’éloigner. Elle heurta la créature à laquelle elle avait arraché une tige, la fit tournoyer dans les airs et lui planta ses poignards dans la poitrine. L’Inquisiteur serra les dents, éclata de rire, puis lui écarta violemment les bras et l’envoya au sol d’un coup de pied.

Elle tomba avec la pluie.

Vin atterrit violemment, mais parvint à retomber sur ses pieds. L’Inquisiteur heurta les pavés sur le dos, les poignards toujours plantés dans la poitrine. Mais il se releva sans peine et jeta les couteaux qui allèrent se briser sur les pavés.

Puis il bougea soudain. Trop vite. Vin n’eut pas le temps de réfléchir tandis qu’il courait sous la pluie brumeuse pour venir la saisir à la gorge.

J’ai déjà vu cette vitesse-là, dit-elle tout en se débattant. Pas seulement chez les Inquisiteurs. Chez Sazed. C’est un pouvoir ferrochimique. Tout comme la force qu’a utilisée Marsh tout à l’heure.

C’était là le but de ces nouvelles tiges. Les autres Inquisiteurs n’en possédaient pas autant que Marsh, mais ils avaient manifestement de nouveaux pouvoirs. Force. Vitesse. Chacune de ces créatures était en fin de compte un nouveau Seigneur Maître.

Vous voyez ? demanda Ravage.

Vin cria tout en exerçant contre l’Inquisiteur une Poussée renforcée au duralumin pour s’arracher à sa poigne. Elle s’écorcha la gorge au contact de ses ongles et dut boire un nouveau flacon de métaux – son dernier – pour restaurer son acier tandis qu’elle dérapait sur le sol humide.

Les réserves ferrochimiques s’épuisent, se dit-elle. Même les allomanciens font des erreurs. Je peux gagner.

Cependant, elle faiblissait, respirant fortement lorsqu’elle s’arrêta, une main sur le sol, plongée jusqu’au poignet dans l’eau de pluie froide. Kelsier avait eu du mal à combattre un seul Inquisiteur. Qu’est-ce qui prenait à Vin d’en affronter treize ?

Des silhouettes aux robes trempées atterrirent tout autour d’elle. Vin assena un coup de pied dans la poitrine d’un Inquisiteur, puis s’éloigna d’un autre en tournoyant à l’aide d’une Poussée. Elle roula sur les pavés humides et une hache d’obsidienne faillit la décapiter lorsqu’elle se leva et donna deux coups de pied renforcés par le potin dans les genoux d’un adversaire.

Des os craquèrent. L’Inquisiteur tomba en hurlant. Vin se redressa en s’appuyant sur une main, puis exerça une Traction sur les flèches au-dessus d’elle pour se projeter trois mètres en hauteur et esquiver la myriade de coups qui la visaient.

Elle atterrit de nouveau sur le sol et saisit le manche de la hache de l’Inquisiteur tombé à terre. Elle la brandit dans une gerbe de gouttelettes, la peau tachée de cendre tandis qu’elle parait un coup.

Vous ne pouvez pas vous battre, Vin, dit Ravage. Chaque coup ne fait que m’aider. Je suis Ravage.

Elle hurla et se projeta violemment pour attaquer, écarta un Inquisiteur d’un coup d’épaule, puis planta sa hache dans le flanc d’un autre. Ils se retournèrent en grognant, mais elle conserva un pas d’avance, esquivant leurs coups de justesse. Celui qu’elle avait terrassé se releva, ses genoux guéris. Il souriait.

Un coup qu’elle ne vit pas venir la cueillit à l’épaule et la projeta en avant. Elle sentit un sang tiède couler le long de son dos, mais le potin amoindrit la douleur. Elle se jeta sur le côté et se redressa en serrant sa hache.

Les Inquisiteurs s’avancèrent à grands pas. Marsh les observait en silence, la pluie coulant de son visage, les tiges saillant de son corps telles les flèches de Kredik Shaw. Il ne se joignit pas au combat.

Vin grogna, puis s’envola de nouveau dans les airs grâce à une Traction. Elle distança ses adversaires et bondit de flèche en flèche, utilisant leur métal comme point d’ancrage. Les douze Inquisiteurs la suivaient comme un vol de corbeaux, sautant d’une flèche à l’autre, robes claquant au vent, empruntant des trajets différents du sien. Elle s’élança à travers les brumes, qui continuaient à tournoyer autour d’elle en bravant la pluie.

Un Inquisiteur atterrit contre la flèche qu’elle visait. Elle hurla tout en atterrissant et voulut lui abattre sa hache sur le crâne, mais il enchaîna une Poussée – esquivant ainsi son coup – puis une Traction pour reprendre sa position initiale. D’un coup de pied dans les jambes, elle l’envoya ainsi qu’elle-même dégringoler dans les airs. Puis elle agrippa la robe de son adversaire tandis qu’ils tombaient.

Il leva les yeux, avec un sourire dévoilant ses dents serrées, et lui fit lâcher sa hache d’une main à la force inhumaine. Son corps se mit à enfler pour gagner la masse surnaturelle d’un ferrochimiste puisant de la force. Il se mit à rire au nez de Vin et lui saisit le cou. Il ne remarqua même pas qu’elle les écartait légèrement sur le côté au moyen d’une Poussée tandis qu’ils tombaient dans le vide.

Ils atteignirent l’une des flèches les plus basses, dont le métal empala l’Inquisiteur surpris. Vin s’écarta vivement hors d’atteinte mais resta accrochée à sa tête, si bien que son poids attira l’Inquisiteur vers la base de la flèche. Elle ne regarda pas la flèche lui déchirer le corps, mais lorsqu’elle atteignit le sol, elle ne tenait plus qu’une tête. Une tige désincarnée alla s’écraser dans une flaque cendreuse en bas, et elle laissa tomber la tête de la créature morte à côté.

Marsh hurla de colère. Quatre autres Inquisiteurs atterrirent autour d’elle. Vin en visa un d’un coup de pied, mais il réagit avec la vitesse que lui prêtait la ferrochimie et attrapa son pied. Un autre la saisit par le bras et l’attira violemment sur le côté. Elle cria et se dégagea d’un coup de pied, mais un troisième s’empara d’elle avec une poigne renforcée à la fois par l’allomancie et la ferrochimie. Les trois autres suivirent, la retenant avec des doigts pareils à des griffes.

Après une profonde inspiration, Vin éteignit son étain puis brûla duralumin, acier et potin. Elle exerça une Poussée externe nourrie d’une soudaine vague de pouvoir ; les Inquisiteurs se retrouvèrent repoussés par leurs tiges. Ils tombèrent à terre en jurant.

Vin heurta les pavés. Soudain, la douleur de son dos et de sa gorge lui sembla intolérable. Elle attisa son étain pour s’éclaircir les idées mais tituba malgré tout, sonnée, tandis qu’elle se redressait. Elle venait d’épuiser tout son potin d’un seul coup.

Elle voulut se mettre à courir, et trouva une silhouette dressée devant elle. Marsh ne disait rien, tandis qu’une autre vague d’éclairs illuminait les brumes.

Vin n’avait plus de potin. Elle saignait d’une blessure qui aurait sans doute tué n’importe qui d’autre. Elle était désespérée.

Bon. Maintenant ! se dit-elle lorsque Marsh la gifla. Le coup l’envoya à terre.

Rien ne se produisit.

Allez ! songea Vin, qui s’efforçait de puiser dans les brumes. La terreur se tortillait en elle tandis que Marsh se dressait au-dessus d’elle, noire silhouette dans la nuit. Par pitié !

Chaque fois que les brumes l’avaient aidée, elles l’avaient fait alors qu’elle était totalement désespérée. C’était là son plan, aussi faible paraissait-il : se placer dans une situation plus grave que jamais, puis compter sur les brumes pour l’aider. Comme elles l’avaient déjà fait à deux reprises.

Marsh s’agenouilla au-dessus d’elle. Des images furtives traversèrent son esprit fatigué comme des éclairs.

Camon qui levait une main épaisse pour la battre. La pluie qui tombait sur elle tandis qu’elle était tapie dans un recoin obscur, une entaille profonde et douloureuse au flanc. Zane qui se tournait vers elle tandis qu’ils se tenaient au sommet du Bastion Hasting et qu’un filet de sang coulait lentement d’une de ses mains.

Vin s’efforça de ramper sur les pavés humides et froids, mais son corps ne fonctionnait pas normalement. Elle parvenait à peine à se traîner. Marsh abattit violemment le poing sur sa jambe, brisant l’os, et elle poussa un cri de douleur, choquée et saisie. Il n’y avait pas de potin pour adoucir le coup. Elle tenta de se redresser pour agripper l’une des tiges de Marsh, mais il lui saisit la jambe – celle qui était cassée – et son propre effort la fit hurler de douleur.

Maintenant, dit Ravage de sa voix bienveillante, nous allons commencer. Où est l’atium, Vin ? Que savez-vous à son sujet ?

— S’il vous plaît…, murmura Vin en se concentrant sur les brumes. S’il vous plaît, s’il vous plaît…

Mais elles demeuraient distantes. À une époque, elles tournoyaient autour de son corps comme par jeu, pourtant cette fois elles se retirèrent. Tout comme elles l’avaient fait cette dernière année. Elle pleurait, les appelait, mais elles s’écartaient d’elle. L’évitaient comme une victime de la peste.

C’était ainsi que les brumes traitaient les Inquisiteurs.

Les créatures se levèrent pour l’entourer, silhouettes dans la nuit obscure. Marsh attira vivement Vin vers lui, puis saisit son bras. Elle entendit son os craquer avant de sentir la douleur. Mais elle survint bel et bien, et Vin hurla.

Il y avait longtemps qu’elle n’avait pas connu la torture. Les rues n’avaient pas été clémentes mais, ces dernières années, elle était parvenue à réprimer le souvenir de ces expériences. Elle était devenue Fille-des-brumes. Puissante. Protégée.

Pas cette fois, comprit-elle à travers un voile de douleur. Sazed ne viendra pas me chercher cette fois-ci. Kelsier ne me sauvera pas. Même les brumes m’ont abandonnée. Je suis seule.

Ses dents se mirent à claquer, et Marsh leva l’autre bras de Vin. Il baissa vers elle ses yeux transpercés de tiges, l’expression indéchiffrable. Et il brisa l’os.

Vin hurla, davantage de terreur que de douleur.

 

Marsh la regarda hurler, savourant ce bruit si doux. Il sourit, puis tendit la main vers la jambe intacte de Vin. Si seulement Ravage ne le retenait pas. Alors, il pourrait la tuer. Il résista contre ses entraves, brûlant de lui faire davantage de mal.

Non…, dit une minuscule partie de lui.

La pluie tombait, ponctuant une nuit splendide. La ville de Luthadel s’étendait devant lui, fumante, parée de ses atours funèbres, dont certaines parties brûlaient encore malgré la nuit pluvieuse. Comme il regrettait de ne pas être arrivé à temps pour voir les émeutes et la mort. Il sourit, tandis que la passion du meurtre montait en lui.

Non, se dit-il.

Il savait, d’une certaine façon, que la fin était toute proche. Le sol trembla sous ses pieds, et il dut se stabiliser à l’aide d’une main avant de poursuivre sa tâche et de briser l’autre jambe de Vin. Le dernier jour était arrivé. Le monde ne survivrait pas à cette nuit. Il éclata d’un rire extatique, plongé dans les affres de la folie sanguinaire, se maîtrisant à peine tandis qu’il brisait le corps de Vin.

NON !

Marsh se réveilla. Bien que ses mains obéissent toujours aux ordres, son esprit se rebellait. Il prit conscience de la cendre, de la pluie, du sang et de la suie, qui le dégoûtèrent. Vin reposait à moitié morte.

Kelsier la traitait comme sa fille, songea-t-il tout en lui cassant les doigts, l’un après l’autre. Elle hurlait. La fille qu’il n’a jamais eue avec Mare.

J’ai baissé les bras. Tout comme je l’avais fait avec la rébellion.

C’était la grande honte de sa vie. Des années auparavant, avant la Chute, il menait la rébellion skaa. Mais il avait renoncé. Il s’était retiré, abandonnant la direction du groupe. Et il l’avait fait un an à peine avant que la rébellion – avec l’aide de Kelsier – renverse enfin l’Empire Ultime. Marsh l’avait dirigée, mais il avait renoncé. Juste avant la victoire.

Non, songea-t-il tout en brisant les doigts de l’autre main. Pas cette fois. Je ne veux plus abandonner !

Sa main remonta jusqu’à la clavicule de Vin. Puis il le vit. Un unique bout de métal qui scintillait dans l’oreille de Vin. Sa boucle d’oreille. Elle lui avait un jour expliqué son origine.

Je ne m’en souviens plus, lui murmura la voix de Vin surgie du passé. Un souvenir d’un jour où Marsh lui-même était assis avec elle sous une véranda paisible du Manoir Renoux, regardant Kelsier organiser une caravane en contrebas, juste avant que Marsh ne s’en aille infiltrer les rangs du Ministère d’Acier.

Vin lui avait parlé de sa mère folle. Reen disait qu’il était rentré un jour pour trouver ma mère couverte de sang. Elle venait de tuer ma petite sœur, encore bébé. Mais moi, elle ne m’avait pas touchée – à part pour me donner une boucle d’oreille…

Ne te fie à personne qui soit transpercé par du métal, disait la lettre de Spectre. Même le plus petit fragment peut corrompre un homme.

Le plus petit fragment.

Lorsqu’il y regarda de plus près, la boucle d’oreille – bien qu’elle soit tordue et écaillée – ressemblait presque à une tige minuscule.

Il ne prit pas le temps de réfléchir. Il ne laissa pas à Ravage le temps de réagir. Dans l’exaltation qu’il éprouvait à tuer le Héros des Siècles, le contrôle de Ravage était plus faible que jamais. Rassemblant toute la volonté qui lui restait, Marsh tendit la main.

Et arracha la boucle de l’oreille de Vin.

 

Vin ouvrit brusquement les yeux.

Cendre et pluie tombaient sur elle. Son corps brûlait de douleur, et l’écho des ordres que hurlait Ravage résonnait toujours dans sa tête.

Mais la voix ne parlait plus. Elle avait été étouffée en pleine phrase.

Quoi ?

Les brumes revinrent brusquement vers elle. Elles se mirent à l’entourer, percevant l’effet allomantique de son étain, qu’elle brûlait toujours faiblement. Elles tournèrent autour d’elle comme autrefois, joueuses et amicales.

Elle était mourante. Elle le savait. Marsh en avait fini avec ses os et s’impatientait de toute évidence. Il hurlait en se tenant la tête. Puis il tendit la main pour reprendre sa hache dans la flaque près de lui. Même si elle l’avait voulu, Vin n’aurait pu s’enfuir.

Heureusement, la douleur s’estompait. Tout s’estompait. Il faisait noir.

Par pitié, songea-t-elle en adressant aux brumes une dernière supplication. Elles paraissaient soudain si familières. Où avait-elle déjà éprouvé cette impression ? D’où les connaissait-elle ?

Du Puits de l’Ascension, bien sûr, murmura une voix dans sa tête. C’est le même pouvoir, après tout. Solide dans le métal que tu as fait avaler à Elend. Liquide dans l’étang que tu as brûlé. Et vapeur dans l’air, confiné à la nuit. Qui te cachent. Te protègent.

T’accordent du pouvoir !

Vin eut un hoquet et inspira – une inspiration qui attira les brumes. Elle éprouva une soudaine chaleur tandis qu’elles enflaient en elle et lui prêtaient force. Son corps tout entier brûlait comme du métal, et la douleur disparut en un éclair.

Marsh abattit sa hache vers sa tête dans une gerbe de gouttelettes.

Et Vin attrapa son bras.

Le héros des siècles
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